liens sur différents articles concernant l'artiste et ses oeuvres
Article paru dans la revue ci-dessus
Le Carto
Juillet 2021
La musique mécanique et Montmartre
Les Gets , musée de la musique mécanique ... 2021
CICPC La Gazette N 146 Juin 2022
Napoléon
Napoléon a tout d'abord été une impulsion positive chez l'enfant et l'ado que j'étais, puis peu à peu elle est devenue négative au point de m'obséder.
Parti de mon imaginaire de gosse, il était le vainqueur et figurait toujours en haut d'une colline, puis l'image s'affinant à la fin de mon adolescence, il est devenu le dictateur sanguinaire, l'homme de la guerre et des massacres. Il deviendra donc le symbole de ce que je détestais, il est passé de héros à criminel, de révolutionnaire à dictateur.
Waterloo s'est alors imposée à moi comme une délivrance et j'essaie par mes créations de condamner les crimes qu'il a commis contre les peuples, de la sorte nombre de personnages vont devenir mes "Poléons" pour exprimer mon dégoût de celui qui rétablira l'esclavage en 1802 que la Convention avait aboli en 1794.
Napoléon était raciste et antirépublicain, ainsi il fait figure dans mes dessins de personnage douteux de l'histoire au même titre que Staline ou Hitler, Pinochet ou Franco...
Jihel.
Les Na"Poléons" de Jihel
On ne peut pas dire que Jihel soit un grand admirateur du petit caporal devenu Empereur, mais il parait logique qu'il se soit emparé de l'image du personnage historique Français le plus connu au monde.
Dans ses dessins il lui reprochera souvent d'être le fossoyeur de la République et d'avoir rétabli l'esclavage en 1802, mais il ira plus loin, beaucoup plus loin. Son esprit anarchisant va délirer sur toutes sortes de sujets et personnages faisant allusion à Napoléon, il pourra passer allégrement de Chevènement (Souvent dénommé Belfort) à Clemenceau, de Macron à Sarkozy, etc...
En fervent adepte de l'uchronie, il va évacuer la fonction artistique en la fondant dans l'idéologie, la Corse bien sur avec Yvan Colonna, images militantes fortes qui ne feront pas toujours rire en haut lieux tant l'acidité mettant en scène les protagonistes de l'affaire est présente pour défendre son ami emprisonné. Son trait fort et violent provoque à souhait celui qui se plait à s'arrêter sur ses séries chromatiques où la couleur défie le noir de sa motivation, je l'ai déjà dit, nous avons à faire à un dessinateur libertaire qui a largement oublié les règles de sa profession faisant fi de toute déontologie.
Il puisera dans l'énigme et l'interrogation une puissance de feu digne des plus grandes victoires de Napoléon, sic.
Personne n'est à l'abri de son crayon et de sa plume, coiffant d'un bicorne de ci de là ses meilleurs ennemis, à lire les textes on trouve souvent des inimitiés durables, il me dira un jour "J'ai été conduit à me tourner vers des charges d'instinct pour évacuer une émotion basique afin de canaliser une violence de lumière" Difficile à traduire sur le papier mais à partir de cette phrase on sent bien que chaque dessin sort du tréfonds de ses tripes et se trouve toujours pour appuyer là où ça fait mal.
Jihel est un artiste qui croit au travail acharné en se méfiant de ses inspirations ,tout est réfléchi pour que le premier regard de ses amateurs ne soit pas le bon, un dessin doit être vu et revu, lu et relu, ceci afin que le message se décale vers une improvisation qui n'en finit jamais, Il est difficile d'échapper à cet équilibre des lignes et des mots quand l'auteur les veut changeantes.
Je parlais d'interrogation, en voilà une quand Jihel se joue d'un Napoléon Franc maçon ou pas, c'est selon, avec un Grand Orient à sa botte, pas un tablier ne dépasse, la dictature est avancée, et là ce créateur diabolique dont on ne sait vraiment si le cordon libertaire l'habite tant il sait faire refleurir l'acacia en hiver, tant il a donné à réfléchir en bien ou en mal sur le dit-sujet, se trouve à son aise pour amplifier une analyse en mal de découvertes, et là véritablement se trouve son succès non démenti depuis des décennies. C'est vrai, Napoléon était entouré de Francs maçons, mais Mitterrand aussi, alors...épluchez les dessins de Jihel, la réponse est certainement contenue dans l'un ou l'autre.
Et puis toujours la Corse avec le préfet Bonnet nommé par Chevènement ou encore Monis pendant les événements viticoles de 1911, Clemenceau ou Poncelet, tous coiffés du fameux bicorne, chaque dessin est un voyage dans un passé plus ou moins proche, une invitation à faire des recherches.
Jihel est un passeur d'idées, un artiste flamboyant que rien n'arrête, rien ne lui échappe, ni le Duc d'Enghien mort dans les fossés de Vincennes, ni même le roi perdu et encore moins Talleyrand... Le nom est lâché, omniprésent, le diable boiteux va agrémenter une multitude de dessins parfois scabreux, limite scatologiques avec à la clef une mine d'incertitudes pour l'historien que je suis. Ce personnage qui va accompagner Napoléon de dévotion en traitrise est bien en place dans ces satires, émanations d'un temps infini, c'est du moins ce que Jihel tente de faire ressentir dans ses multiples créations. C'est bien ici que l'insaisissable transcende ce créateur hors normes, nostalgique d'un monde révolu, il ne nous appartient plus, il est "en dehors" et tant pis pour nous qui n'avons pas su le saisir au moment où sa force et son talent installaient une sensibilité de tous les instants comme une force romantique et anachronique. Il a sillonné pendant plus de vingt ans les expositions en France et à l'étranger.
Les ennemis, les rancoeurs exprimées sur papier, bicorne à l'appui, bicorne de la honte pour un gribouilleur sans talent qui profitera d'un espace de gentillesse offert par Jihel pour une notoriété qui ne viendra jamais tant ses dessins sont mornes et plats, cycle des saisons il cherche toujours une vérité,la sienne dans un troisième oeil, caricature ambulante squelettique qui impose un non-copyright de rigueur. Jihel a su saisir la profondeur de vue dans des dessins séduisants tout en abstraction contre celui qui fut le plus mauvais de ses choix "artistiques" le mot est fort pour qualifier un gribouilleur mortifère. Il faut savoir que je n'ai posé aucune question à Jihel sur sa relation contre nature avec cet individu, mais que tout se lit comme dans un livre ouvert dans ses planches.
Le Tarn apparait souvent également et là l'énigme est plus corsée, au minimum deux personnages sont à la une, deux personnages grotesques dont l'un semble tirer les ficelles, l'autre faisant figure de niais. Je vous invite à analyser cette partie sensible de l'oeuvre de Jihel.
J'ai gardé pour la fin une histoire rocambolesque où s'agitent des personnages dénommés Pierre Combaluzier, Thierry Lentz, Emmanuel de Waresquiel et notre gribouilleux. A l'origine, les dessins de Jihel étaient hébergés sur un site dédié à Talleyrand tenu par Pierre Combaluzier alias Pierpot, si j'analyse bien tous les dessins, ce site a disparu des écrans radars du jour au lendemain et la responsabilité incomberait à la Fondation Napoléon de Lentz, mais car rien n'est jamais terminé, des dessins assez énigmatiques contrediraient cette version de l'affaire et feraient allégeance à "Pierpot" d'une manière peu coventionnelle, Waresquiel étant très en retrait dans cette affaire, il n'apparait que peu souvent ,par contre le gribouilleux qui avait eu maille à partir avec Pierpot n'est pas ménagé.
Ainsi se termine une des plus belles manières que j'ai eu à lire et étudier sur Napoléon, que Jihel en soit ici remercié.
Ernst FLAVIAN
Professeur d'histoire.
Les couleurs de l'alchimie dans l'enfer créatif de JIHEL.
Un trait noir épais qui pénètre la matière pour délivrer des cobalts et des vermillons d'une puissance extrême, alors seulement la violence du texte se libère au travers de ces pigments cosmiques.
Ce sentiment d'attente que j'ai chaque fois que j'étudie un dessin de cet artiste est très fort, l'abstraction des mots est son langage, tout est dense chez lui, riche de signes ou de symboles, il parvient à se frayer un chemin hors du temps, il appelle ça de l'uchronie, moi j'appelle ça du talent, les deux ne sont pas incompatibles.
Personne avant lui n'a osé aller aussi loin dans la manipulation des images, pas toujours les siennes d'ailleurs mais où il s'incruste facilement afin de les posséder, il travaille depuis longtemps sur des formes découpées à l'avance, des milliers de coups de ciseaux d'une précision extrême à peine retouchées en finition. Apposées sur l'une ou l'autre de ses créations, les formes rejettent toute perspective traditionnelle et de la sorte ne se laisse pas enfermer dans la première idée de l'auteur et c'est là souvent que se cache ce contraste savant de la vibration subtile des couleurs et du message codé.
Bien sur pour un œil attentif, on verra resurgir telle ou telle forme plusieurs fois, et alors ? Chaque image revendique son indépendance et rend insaisissable son oeuvre titanesque, et c'est bien son désir, manipuler son lecteur et j'ose avancer qu'il y parvient très facilement.
Piotr Shalinia
Artiste
Jihel, la passion du TARN.
Je m'appelle Alain Figuelle et je suis collectionneur de dessins de l'artiste Jihel depuis maintenant plus de trente ans.
J'habite à Castres dans le Tarn dont je ne suis pas natif.
Mon article portera donc sur ce département bien que je ne me limite pas à ce dernier dans ma collection de cet auteur.
J'ai rencontré Jihel plusieurs fois alors qu'il était conférencier au musée Jaurès, j'ai pu longuement discuter avec lui à plusieurs reprises et comprendre ainsi sa démarche sur les personnages célèbres Tarnais qui furent traités tant par la caricature que par le sérieux historique.
J'ai évité toute ma vie les donneurs de leçons et il faut dire que notre cité en regorge, mais je crois que Jihel sait leur rabattre le caquet en multipliant les charges contre ces vendeurs de chaussettes sales comme il dit.
Je peux témoigner ici que les cabales lancées contre lui sont montées de toutes pièces par des jaloux fiévreux, j'ai été moi même témoin de discussions en ce sens au salon d'Albi où il fallait démolir coûte que coûte cet artiste hors du commun, tristes sires, ils portent sur leurs visages une jalousie infirme.
Après cette mise au point je vais revenir à l'artiste qui a su captiver mon attention, mon premier dessin je l'ai acheté sur un salon Parisien, c'était une carte pirate en essai de couleur, une petite merveille que j'ai toujours comme toutes les autres également, bien classées dans ma bibliothèque et où je me plonge souvent.
Albi, Castres, Gaillac, Carmaux... Rien n'a échappé à Jihel, de Quilès à Jaurès, de Limouzy à Combes, de Augustin Malroux à Georges Spénale mais aussi Marc David Lasource, quelle histoire... Je reste surpris de tant de talent pour mettre en situation des personnages aussi anciens et surtout savoir traiter d'un sujet somme toute oublié de la plupart de nos contemporains. Belle remise en mémoire.
Les nombreuses cartes sur Gaillac avec Marchandeau, Hautpoul, mais aussi Pistre, Rieux ou Fernandez sont un régal pour les yeux. J'en ai recensé trente deux et il m'en manque.
Un crayon d'honneur tout de même pour le magnifique dessin en hommage à Jacques DURAND de Réalmont.
Mais il ne faut pas oublier toutes ces cartes pirates avec de belles femmes dénudées, dessins parfois en noir et blanc, parfois en couleurs et souvent même les deux sur le même salon.
Puis viendront des dessins sur de bien tristes personnages de notre vie de tous les jours localisés à Albi, Fiac ou Lavaur, ces dessins éparpillés dans de nombreuses séries, "Les pieds nickelés" La 'Pataphysique uchronienne" "Bulles de Nice" "La contre-création" ou encore "Nice surréaliste", m'ont permis d'essayer de compléter ces séries et alors quel bonheur, des dessins de toute beauté sautant allègrement de l'argot à la philosophie. J'ai vainement cherché chez d'autres dessinateurs cette manière de faire, rien, je n'ai jamais trouvé.
Tout cela pour dire que je suis ravi d'avoir un jour rencontré un homme hors du commun qui a rajouté du plaisir à ma vie.
Un artiste du partage, JIHEL.
Si Daumier devait se réincarner aujourd'hui, à coup sur il choisirait Jihel, tant ce dernier par son autodérision permanente colle parfaitement à l'image du caricaturiste de la vie sociale et politique en France au 19e siècle.
Jihel sait taper fort quand il le faut, jamais vulgaire, il choisit les mots de ses textes avec une subtilité éthérée, prolifique comme son ainé, il vit le dessin comme une expérience sur lui-même, il ne cherche pas à faire plaisir, il est donc très difficile de trouver l'intersection entre ce que l'on peut aimer et ce qui plait au public.
Un jour lointain il m'a confié lors d'une expo (C'était Porte de Versailles dans les années 80) qu'il se sentait suréduqué et que du coup il avait du mal à relativiser le beau du laid, qu'il se sentait mal dans son époque et qu'il sacrifiait donc le court terme pour aller au centre de ses rêves. Raccourci d'un artiste aux frontières mal définies mais qui sait naviguer au cœur des risques.
Pouvoir passer de Berlioz à Siné sans être ridicule et en étant spontané, trier quarante idées par jour pour aligner les quatre ou cinq qui vont faire mouche, passer d'une actualité brûlante à un détail oublié de l'histoire de France en une fraction de minute, qui peut se targuer de cette prouesse ? J'ai lu quelque part que c'était un génie, le mot est faible, cet artiste aligne trop de talents, il pousse notre imaginaire dans les reculs les plus sombres en configurant à coups de pinceaux notre remise en question. Il a sur chacun d'entre nous une influence spirituelle.
J'ai perçu dans de nombreux dessins cette impression d'un état second, comme si nous admirateurs de son œuvre accédions à des parties inconnues de l'artiste, là je me dis qu'artistiquement la caricature est un art à part entière et que Jihel est un artiste positif et sérieux, ce n'est pas un amuseur.
Laurane FLIER
Galeriste Lausanne.
Marilyn Monroe est entrée dans ma vie plus de 20 ans avant JIHEL, dans une carterie au détour d’une petite ruelle pavée de ma ville natale. Et c’est ainsi que débuta ma collection de cartes postales. Pour une variation du thème, j’ai étoffé cette collection avec la touche artistique de Jihel dont le travail m’a instantanément fait vibrer.
Au vu de l’abondance de cartes de Marilyn créées par Jihel, on peut sans conteste dire qu’elle est une des muses les plus inspiratrice pour l’artiste. Découvrons à présent Marilyn dans l’art de Jihel sous l’Edition du Triangle dont les cartes sont tirées à 30 exemplaires.
Marilyn et le cinéma: l’actrice n’a pas inspiré outre mesure notre artiste au regard de la série Les Affiches Marilyn ‘Cette série bizarrement se saborde par le numéro 0 je ne voulais pas faire de n°16’ dixit Jihel. En effet, seuls 9 films sur 30 de l’actrice sont représentés, cette série aurait eu le mérite d’être enrichie juste pour notre plaisir car illustrée par des affiches, italiennes entre autres, peu communes. Une pellicule de film, en fil conducteur, y apporte tout le charme et la nostalgie du cinéma d’antan.
Autre série trop courte à mon goût : les 6 cartes Marilyn Flower. La fleur, symbole de beauté et de fragilité s’associe parfaitement à Marilyn qui se retrouve sublimée en nymphe, divinité féminine de la nature.
La série Marilyn Chelsea met à l’honneur le nu féminin. Ici, les corps de rêve lascifs de moult modèles sont exposés et magnifiés par des touches de couleurs permettant un jeu subtil et pudique d’ombres et de lumières laissant entrapercevoir et deviner une courbe, une dune, une chute de reins, un mont de vénus, un triangle, un œil, une bouche… Un parfum d’érotisme et de sensualité mystérieuse s’exhale de cette série. Marilyn y est présente, par son visage rougi de désir, en médaillon accroché sur chaque carte.
Dans Marilyn Signature, Marilyn est cette fois-ci représentée par un visage différent avec divers corps féminins dénudés dans la même lignée artistique que Chelsea. Deux signatures sont apposées sur chaque carte : Celle de Marilyn avec la lettre M de son nom et prénom, tout en rondeur, si caractéristique: une première arcade de grande envergure et la base des jambages en boucles entrelacées. Sa signature est rehaussée d’un baiser rouge. Celle de Jihel est la traverse d’un A cerclé rouge sur fond noir, non sans rappeler le symbole de l’anarchisme. Marilyn était à sa façon une libertaire: elle voulait être libre et notamment avoir le droit de choisir ses films, ses rôles, les réalisateurs, les scénarios... Elle fut la première femme actrice à s’affranchir de la sujétion des studios hollywoodiens, qui l’enfermaient dans le rôle stéréotypé de la blonde, en créant sa propre société de productions en 1955.
Avec le même style graphique, la série Philo-Marilyn est agrémentée, en plus du dessin, d’un texte d’une pensée philosophique. Marilyn, sex-appeal et sex-symbol par excellence, est le sujet idéal pour inspirer l’artiste quant à philosopher sur le sexe. Avec une intelligence émotionnelle manifeste, Jihel rend la symbolique du sexe multidimensionnelle en méditant sur la dualité de l’être, l’amour libre, la sexualité libératoire, les mots désir, besoin, plaisir, fantasme, impulsion, pulsion, instinct, mort, nuit, érotisme, sensualité, chair, corps, esprit… L’artiste réussit à sublimer les mots autant que les corps. Ici, notre chat noir préféré Egrégore montre sa frimousse çà et là par des excursions inopinées.
Dans la série Marilyn Péladanesque règne une atmosphère ésotérique et mystique, voire énigmatique, de par les symboles maçonniques, rosicruciens, kabbalistiques, démonologiques et occultistes disséminés passim au gré des cartes, sans oublier certains animaux nyctalopes. Au royaume des enfers ténébreux, Marilyn est représentée telle une diablesse, aux yeux rouges comme injectés de sang ou selon, au regard de braise du feu primordial et purificateur, elle incarne la puissance sexuelle suprême. La tentatrice initiée, encadrée de rouge incandescent ou de jaune éclatant, semble tourmenter, hanter et obséder le sâr : l’état de perfection spirituelle et morale tant convoité par Péladan s’en retrouve ardemment ébranlé. Marilyn apparaîtra aussi en diablesse dans la série Marilyn Satanique.
Marilyn Fragments est esthétiquement ma série favorite. Jihel, en alchimiste, procède à la sublimation douce et lente de l’icône et la distille en une profusion d’images. Image qui, selon l’artiste, se régénère par fragment. Au cours de cette série, Marilyn y côtoie sporadiquement Batman, Péladan, Joan Baez, Madonna, des sosies de métier Suzie Kennedy ou d’une séance Lisa Marie Presley. Des épisodes ‘les bleus Chelsea’, les verts Chelsea’ apparaissent. Les Fragments d’images de Marilyn se présentent tour à tour encadrés, détourés ou tel des éclats de miroir brisés. Une abondante diversité d’arrière-plans, riches en formes, compositions et textures, avec une explosion de couleurs flamboyantes offre un esthétisme sans pareil et un enchantement pour l’œil : une véritable contemplation envoûtante s’opère.
Dans la catégorie des Cartes Pirates de salon, l’érotisme y a toute sa place et Marilyn a la part belle en pin-up dans toute sa splendeur! Elle qui débuta sa carrière en tant que modèle et pin-up photographié dans des poses sexy. Aslan et Louis Carrière (le plus présent), illustrateurs de pin-up, accompagnent assez souvent la belle. Les salons piratés se déroulent des années 70 à nos jours. Pour certains, il existe des mini-séries de 4 ou 6 cartes. Je ne m’étendrai pas plus sur cette catégorie, Patrick Bousseton l’ayant déjà décrite au mieux dans un autre article.
Et puis il y a les cartes inclassables, les hors-série, un melting-pot de portraits et de caricatures où Marilyn voyage dans les mondes de la politique, de l’histoire, du sport, de la littérature, de la musique , du cinéma, de l’art et s’affiche seule ou pêle-mêle avec Kennedy, Mitterrand, Sarkozy, Aeschlimann, Alain Jonemann, Balkany, Louise Michel, Napoléon, Kaiser, Hitler, Marie Antoinette, Lady Di, Charcot, Anquetil, Péladan, Léo Taxil, Frédéric Dard, Jules Verne, Tintin, Les Pieds Nickelés, Hugo Pratt, Joan Baez, Madonna, Michael Jackson, Elvis Presley, Prince, Johnny Hallyday, Renaud, Cléo de Mérode, Mounet-Sully, Chaplin, Laurel et Hardy, Marlon Brando, Yves Montand, Brigitte Bardot, Léonard de Vinci, La Joconde, Andy Warhol, Aslan, Louis Carrière…: quelle pléiade !
Sans des événements atroces, les cartes ‘Je Suis Charlie’, en collaboration pour la plupart avec PYB, n’auraient jamais dû voir le jour mais nous avons l’agréable surprise d’y retrouver Marilyn transformée en icône de la liberté et symbole de la République française : Marianne.
Il y a aussi des cartes de montages photographiques, celles-ci tirées à 100 exemplaires, toutes aussi originales et intéressantes car elles représentent une autre facette du travail artistique de Jihel, des cartes vernissées, de même que des dessins en noir et blanc sous l’édition Beaucaire et enfin, sans oublier les cartes issues de sa collaboration avec Lenzi sous l’Edition de la Canetille.
Au final, nous ne pouvons qu’être ébahis et fascinés par une créativité aussi éclectique, cela tient du prodige !
Un grand MERCI à ce créateur de génie de nous faire vivre et partager son art qui enchante nos cœurs et nos âmes.
Aurore ROUZEAU Collectionneuse de cartes postales de Marilyn Monroe et amatrice d'art Jihelien
RENAUD
Renaud ne pourra pas s'empêcher de s'interroger sur le fil de sa vie, un jour ou l'autre, car Jihel est là pour la lui rappeler dessin après dessin, il reste son grand frère, son ainé de cinq ans qui veille sur lui, en bien, en mal qui le dira ?
JIHEL chante Renaud.
Jihel et Renaud c'est amour et désamour, une grande complicité d'esprit sur des thèmes épars, la musique, le dessin, la peinture, Mai 68, Joan Baez, Léo ferré, l'anarchie, Charlie Hebdo, la révolte permanente...Et puis le chanteur énervant a embrassé un flic...
C'est Mai 68 qui fit se rencontrer ces deux artistes ou en passe de l'être, la Sorbonne occupée, puis l'après 68 et le Mont Lozère dans les Cévennes au coeur d'une communauté anarchiste. De grands vides vont s'ensuivrent, des carrières parallèles, des rencontres espacées, mais des affinités, des combats, un antimilitarisme actif, un engagement pro Palestinien qui fera que tous deux furent accusés d'antisémitisme (trop facile) les attaques contre la police puis les restos du coeur, Médecins sans frontières et SOS Racisme, des vies engagées, une passion forte pour l'écologie et la protection animale, des actions pirates contre les corridas.
Mais voilà le chanteur énervant a embrassé un flic... alors ce fut au tour de Jihel de s'énerver, des dessins contre son poteau vont fleurir sur les réseaux sociaux, un va même être repris par la presse d'extrême droite, des publications vont fleurir en cartes postales et dans la presse nationale, le désamour est engagé, un chroniqueur ira jusqu'à parler de rupture entre Renaud et le mouvement anarchiste nommant Jihel comme lien, je cite : "Le chanteur Renaud perd de sa superbe et de sa révolte, le mouvement anarchiste se désolidarise de ses déclarations sur la police et l'un de ses plus fidèles amis, l'artiste Jihel le lâche" Aux dernières nouvelles Jihel aurait déclaré "C'est un mouvement d'humeur, je n'efface pas d'un revers de la main plus de 40 ans de complicité, mais pour ma part je ne connais toujours pas un flic qui mérite d'être embrassé, mais je ne suis pas mort, qui sait ? Bon, je plaisante."
Mais il ne faut pas nier cette période ou Jihel magnifia dans des dessins sérigraphiés superbes son ami, associé souvent à d'autres acteurs de la révolte tels Brassens, Ferré, Joan Baez, Coluche ou Ribeiro, mais aussi des dessins charges contre Thatcher ou Sarkozy, des dessins également où Jihel part dans ses dérives ésotériques, j'avoue une préférence bien ancrée pour ce type de dessins ou l'interrogation est de mise, la connaissance de Jihel nous explose à la figure, des dessins ou la réflexion est plombante, anxiogène et clivante, il faut avoir l'esprit vif pour détecter l'intimité de cette tranche d'histoire, je sens l'artiste sur mon épaule qui me dit " décrypte, encense, rigole, raconte." la tonalité est juste, les personnages sont seulement hors temps, mais nous sommes nous posés la question essentielle de savoir si notre culture n'était pas d'arrière garde, si dans les coulisses de notre vie, Jihel en s'autorisant cette liberté ne nous donnait pas le souffle manquant à notre imagination.
Renaud ne pourra pas s'empêcher de s'interroger sur le fil de sa vie, un jour ou l'autre, car Jihel est là pour la lui rappeler dessin après dessin, il reste son grand frère, son ainé de cinq ans qui veille sur lui, en bien, en mal qui le dira ?
Elvire CAMPAGNI
Journaliste.
BREF...JE SUIS ETUDIANT
Jihel toujours étudiant, enfin BREF...
Il y a chez cet artiste planétaire du défricheur, oui le mot est censé, peu de ses collègues savent s'attaquer aux problèmes sociétaux qui nous concernent comme lui sait le faire. Il dénote fortement par sa rigueur conceptuelle et ses qualités picturales évidentes.
Son parcours se fait dans un silence assourdissant, ce déconstructeur génial a entrepris de démolir nos acquis sans outils, puis de se dissoudre dans notre environnement. Adepte des séries en suspens, en voici une nouvelle empreinte de douceur et de gravité, images qui cassent la matière pour nous livrer une mélancolie apaisée
Une série hallucinante intitulée "Bref je suis étudiant" voit son initiation en l'an 2016, sans se tromper on peut dire que le premier numéro vit le jour le 26 juin, bien sur comme à son habitude Jihel ne donne pas de numéro d'ordre ni de date, et c'est pour cela, je trouve, qu'il est bien de fixer dans le temps cette nouvelle série qui va devenir la colonne vertébrale d'une époque tourmentée et anxiogène.
Dans ces premiers dessins je perçois cet esprit vif et enthousiaste que j'ai connu trente ans en arrière quand nous discutions politique et sociologie sur les marches de la "Mutu"
Jihel est à l'écoute de la société, dans ses moindres replis, jusqu'au cœur de l'individu, il détecte, décrypte, raconte, épingle, et nous derrière le miroir, nous rions de ce rire perdu qui s'autorise un grand écart (J'ai emprunté cette tirade à Jihel, elle apparaît dans un texte de sa célèbre série philosophique)
L'idée générale de cette série vient de sa phrase répétitive qui a conditionné son existence "On est étudiant toute sa vie" une phrase qui revenait tellement souvent qu'elle en était énervante, car elle nous rappelait nos fautes, nous qui n'étions pas aussi penché que lui sur l'érudition.
J'ai envie de le situer un peu pour vous faire aimer ce personnage attachant.
Dans les coulisses de sa profession il a toujours fait office de mouton noir, on l'appelait le professeur ou Monsieur je sais tout, il gênait par son savoir mais aussi car il se voulait toujours à la marge, jamais dans le moule, toujours incontrôlable, l'anar quoi. alors on préfère l'oublier, ne plus l'inviter et lui coller sur le dos toutes sortes de faux bruits pour le tenir loin des idées bien pensantes, on ne l'invite plus, les organisateurs s'entourent toujours des pontes de la région, ils veulent de l'aseptisé, du contrôlé, de l'artiste bien plat, et lui et bien, on ne sait jamais...Incontrôlable quoi. Et puis ses dessins satiriques provoquent le maire ou le député du coin, ses slogans libertaires font des émules et titillent le bien-pensant, c'est embêtant, ses nus arrogants sont à la limite de la décence petite-bourgeoise, bon en gros, il n'avait pas sa place. Moi j'y étais dans la place, je peux donc en témoigner.
Mais lui, il s'en fichait, il était ailleurs, toujours ailleurs, c'est là que résidait sa force, jamais là où on l'attendait, et à chaque fois en bon "pirate" fleurissait un dessin pied de nez, il apparaissait derrière le rideau, vendu à la sauvette, et bien sur dézinguait souvent l'édile en place, maire ou député, ou alors il nous glorifiait d'un beau nu provocateur comme seul, il savait le faire, un de ces nus féminins noyés dans l'encre de son tamis et qui laissait apparaître juste ce qu'il faut pour donner un axe érotique, du plus bel effet à mon goût.
Ce petit aperçu d'un artiste exigeant avec lui même est là pour faire comprendre cette nouvelle série en cours, dont les protagonistes sont jusqu'à présent un jihadiste anonyme au profil sanguinaire, et complaisants avec lui, Marine le Pen et Sarkozy, comme un mauvais pari sur l'avenir.
Cette série bordée de noir comme un deuil en instance me plait bien, je veux par cet article sans prétention lui souhaiter bon vent.
Merci Jihel d'exister.
Esther VIANCE
artiste peintre.
LE VENT DE LA NECESSITE, UN SOUFFLE NOUVEAU DANS L'OEUVRE DE JIHEL.
Objet de toutes les convoitises, animant la passion dévorante des collectionneurs, depuis des décennies, la carte postale contemporaine joue un rôle patrimonial majeur en permettant aux artistes la reproduction de leurs œuvres picturales, monumentales ou décoratives.
En véhiculant l’image, tout en inspirant réflexions et récits, elle s’est inscrite et dans l’espace avec ses fonctions culturelles, historiques et politiques. Devenant, ainsi, le témoin de son temps, elle reste un outil incontournable pour explorer tout un pan de notre vécu socio-économique.
Grâce aux soins apportés à la qualité de l’impression par les éditeurs, l’engouement est tel, qu’en 1975, Gérard Neudin, un polytechnicien amateur de cartes postales, va publier pour la première fois un annuaire qui aujourd’hui encore, demeure une référence pour les cartophiles.
Modeste amateur d’art contemporain, je me suis donc intéressé à ce support et plus particulièrement aux innombrables créations de l’artiste Jacques Lardie dit Jihel, dont je suis devenu un fervent admirateur grâce à mon épouse, Janick, qui suit son œuvre. Ses longues séries thématiques de dessins et sérigraphies, déclinés en cartes postales, sont bien sûr connues d’un large public d’amateurs et collectionneurs, en France comme à l’étranger.
Jihel, artiste anar, uchroniste et philosophe a produit des milliers de dessins satiriques et caricaturaux composant des séries traitant de politique, de philosophie, d’ésotérisme, des arts comme notamment le cirque avec les clowns Grock et Chicky ou le romantisme avec Berlioz, et mettant en scène une pléiade de personnages atypiques, accompagnés de textes et/ou de pensées pouvant être énigmatiques pour les non-initiés… Passionné d’histoire, il se montre, à travers une longue série (ciment de l’histoire) de dessins hauts en couleurs, fasciné par Talleyrand dont il fait son personnage emblématique souvent associé à d’autres figures célèbres et mystérieuses comme Cléo de Mérode, Joséphin Péladan ou symbolique telle Louise Michel.
Mais il a aussi croqué de magnifiques hommages pour quelques grands noms de la scène artistique, tout comme lui engagés, tels Brel, Brassens, Ferré ou Joan Baez, Catherine Ribeiro… pour les plus connus.
Au cours du mois de mai 2016, nous avons eu l’honneur et le privilège, de le rencontrer et de nous entretenir avec lui. Entretien au cours duquel nous pûmes découvrir plus avant, ébahis, la série « les timbres monnaies ». Cette série nous interpelle car elle contraste avec l’ensemble de l’œuvre, insufflant dans l’univers artistique de Jihel un courant nouveau, léger et doux, presque poétique. Tout au long de cette série de dessins en tirages limités, numérotés de 1 à 30, Jihel nous invite à revisiter en un voyage ludique et interactif, la société en quête de modernité de la Belle Epoque.
Les Timbres-monnaies apparurent en France au début des années 1920. Outre la thésaurisation des métaux précieux, la première guerre mondiale avait été une grosse consommatrice de métaux, et les pièces de monnaies en nickel et cuivre firent vite défaut. Les industriels, commerçants, collectivités, via les chambres des métiers, firent alors frapper des monnaies dites de nécessité. Sorte de synthèse entre la philatélie et la numismatique, le timbre-monnaie se présentait sous la forme d’un jeton, souvent de fer blanc, parfois en aluminium, avec à l’avers un timbre postal portant mention de la valeur fiduciaire et au revers une publicité de l’établissement émetteur. Ces monnaies de substitution éphémères ne furent produites qu’en très faibles quantités ce qui explique aujourd’hui leur rareté et les prix élevés atteints lors des ventes spécialisées. Il est donc très difficile pour ne pas dire impossible de les collectionner. Elles furent définitivement abandonnées au cours de l’année 1924 quand les pièces de monnaies circulèrent à nouveau.
Toujours en quête d’originalité Jihel s’est donc amusé à les faire revivre le temps d’une série qui ne manquera pas de séduire par son approche philosophique, son caractère récréatif et ses qualités graphiques d’une richesse incomparables. Ces superbes dessins aux couleurs chatoyantes, s’accompagnent de textes sur mesure laissant aux lecteurs toute liberté d’interprétation, s’agissant d’images à double lecture. Un dessin dans le dessin, en quelque sorte. Certains dits puzzle sont scindés en x parties apportant une touche supplémentaire dans l’originalité et la conception. D’autres, dits chromatiques se démarquent ayant pour fond une carte ancienne retouchée, ce concept mêlant d’ailleurs harmonieusement plusieurs techniques graphiques.
Mettant en scène le chat Egrégore et sa comparse Mouse, la souris, Jihel, au travers de cette série, fait appel à notre réflexion et, provoquant notre curiosité, nous invite à remonter le temps d’une manière à la fois cocasse et imaginaire tout en respectant le fil de l’histoire. Cette association thématique des monnaies du vent, d’un temps où tout restait à inventer, et des dessins aboutis et saturés de légèreté d’un Jihel scénographe, pédagogue et conteur à l’imagination débordante, flatte avec intérêt notre appétit pour la connaissance, les découvertes, les errances poétiques et plus simplement, notre goût pour les belles images.
Janick et Philippe Jacquet
Biographie
JIHEL
Nous nous sommes approchés vers la fin des années 70, sans plus, rencontre protocolaire entre artistes. Nous avons sympathisé lors du festival du graphisme d'Enghien dans les années 80, notre étroite collaboration dâte de cette époque, cela devait arriver, le calendrier Maya l'avait prédit.
Tout d'abord nous nous sommes jaugé, décrypté, analysé, pour finalement nous rendre compte que tout en étant différents, nous étions en fait semblables.
Lui, JIHEL, dans sa bulle d'anarchiste individualiste non violent, journaliste de l'écrit, reporter et dessinateur de presse satirique, refusant pour je ne sais toujours quel principe, toutes les expositions ou rétrospectives en France, s'exportant dans des expositions internationales, Berlin, Sidney, Turin, Rome, Tokyo et le plus souvent à New-York ou il s'installera à plusieurs reprises. Amateur d'art éclairé, collectionneur d'art brut et d'art premier, passionné d'histoire, pas la grande, non, plutôt celle que les gens oublient, avec sa cohorte d'intrigues... une fascination sans égale pour la Révolution et l'Empire avec son cortége de personnages fabuleux et extravagants, pourtant un seul va revenir et revenir au fil de ses planches, comme un doute sur son propre parcours initiatique, il se nomme TALLEYRAND, le nom est lâché, et le voilà le "CIMENT" qui a soudé notre travail en commun sur des décennies.
Moi, dans ma bulle Niçoise de l'ère Jacques MEDECIN, travaillant dans la mouvance de l'école de Nice tout en refusant d'y adhérer officiellement, préférant d'abord construire mon propre itinéraire loin des galeristes.
Finalement au fil des ans qui se sont écoulés nous sommes devenus Jihel et moi, les GOSCINNY et UDERZO du diable boiteux, le franc maçon.
LENZI, peintre de l'école de NICE.
JIHEL: CONTEMPORARY MASTER OF CARICATURE
The artist Jihel is without doubt the most important practitioner of the art of caricature to be found today in France, indeed perhaps in the entire world. He is certainly the inheritor of a longstanding French tradition of caricature art, most notably practiced in the past by such masters of the form as Rostro and Orens.
Like them, he often constructs his images as montages of strange and at first seemingly incongruous elements drawn from a great variety of sources, human, animal, and inanimate.
Taken together, a narrative of sort often emerges, though its precise interpretation may vary significantly from viewer to viewer. Most often at the heart of these visual narratives is some sort of satiric commentary – upon history, upon contemporary events and popular culture, upon individuals, or upon life in general. Over the years, Jihel's creations have evolved from clusters of satiric commentaries focusing upon highly specific historic events – for example, the Armenian genocide – to somewhat more generalized depictions of the absurdity of the human condition, and with it has come in most cases a softening of tone, a movement away from harsh condemnation and towards a gentler, at times almost playful, assessment of human character.
At the same time, the artist has moved from a predominance of black and white depictions in his earlier work to an ever more lavish use of brilliant and dynamic primary colors. Although the disparate elements in his compositions may come from practically anywhere, certain visual motifs and representations are frequently repeated in seemingly endless recombination – Kaiser Wilhelm II, chamber pots, Talleyrand, Jacques Médecin (the disgraced mayor of Nice), animals of every sort from rats to rhinos, Beethoven, Masonic symbols, Marie Antoinette, the Mona Lisa, Napoleon, the comics characters known as Les Pieds Nickelés, Robespierre, and numerous others.
Each individual piece represents a unique and vivid satiric perspective upon human life and events: taken together, the large body of work created by this gifted artist constitutes the most important contribution to this genre to emerge in the late 20th and early 21st centuries. It comes therefore as no surprise whatsoever that Jihel's satiric masterpieces are highly prized and sought after by collectors, the present author being most enthusiastically among their number.
Richard Meyer
Salem, Oregon
U.S.A.
JIHEL : LE MAÎTRE CONTEMPORAIN DE LA CARICATURE
L’artiste Jihel est sans aucun doute, parmi tous les adeptes de l’art de la caricature, le plus important qui existe aujourd’hui en France, et peut-être même dans le monde entier. Il a très certainement hérité d’une longue tradition française de l’art de la caricature, pratiqué par le passé notamment par des maîtres en la matière comme Rostro et Orens.
Comme eux, il construit souvent ses images comme des montages d’éléments étranges et à première vue incongrus tirés de diverses sources humaines, animales et inanimées.
Une fois associés, il en ressort souvent une sorte d’histoire, qui peut toutefois être interprétée bien différemment d’une personne à l’autre. Ces récits visuels sont le plus souvent centrés sur une sorte de commentaire satirique sur l’histoire, sur les événements contemporains et la culture populaire, sur les personnes ou sur la vie en général.
Au fil des ans, les créations de Jihel ont évolué : les ensembles de commentaires satiriques axés sur des événements historiques très précis, comme le génocide arménien, sont devenus des représentations un peu plus généralisées de l’absurdité de la condition humaine, dans lesquelles le ton s’est bien souvent radouci, s’éloignant de la dure condamnation pour s’orienter vers une appréciation plus légère, parfois presque enjouée, du caractère humain. En même temps, l’artiste a délaissé les représentations en noir et blanc qui dominaient dans ses premières œuvres pour utiliser plus généreusement des couleurs primaires éclatantes et dynamiques. Bien que les éléments hétérogènes de ses compositions puissent avoir pratiquement n’importe quelle origine, certains motifs visuels et certaines représentations se répètent fréquemment dans de nouvelles combinaisons qui semblent sans fin – Kaiser Wilhelm II, pots de chambre, Talleyrand, Jacques Médecin (ancien maire de Nice déshonoré), animaux de toutes sortes, des rats aux rhinocéros, Beethoven, symboles maçonniques, Marie-Antoinette, Mona Lisa, Napoléon, les personnages de bande dessinée appelés Les Pieds Nickelés, Robespierre, et bien d’autres encore.
Chaque œuvre représente une satire vive et unique de la vie humaine et des événements ; l’ensemble des œuvres créées par cet artiste talentueux aura été la contribution la plus importante au genre à émerger à la fin du XXe siècle et au début du XXIe. Il n’est donc absolument pas surprenant que les chefs-d’œuvre satiriques de Jihel soient si prisés et recherchés par les collectionneurs, et tout particulièrement par l’auteur de cet article, qui en fait partie.
Richard Meyer
Salem, Oregon
U.S.A.
UNE INTERVIEW DE JIHEL PAR SAM FLORES
C'est pour publier un papier sur le militantisme politique par le dessin satirique et la caricature que j'ai été amené à rencontrer l'artiste Jacques Camille LARDIE dit Jihel.
Je voulais un artiste sincère dans ses convictions, un artiste refusé presque partout et qui finalement s'autoédite pour se faire entendre et exister. En faisant le tour des rédactions un nom revenait tinter inexorablement à mes oreilles "LARDIE"
Va pour LARDIE, mon choix était fait.
Le plus long fut de le rencontrer, ce fut dur, très dur, toujours injoignable, une voix féminine me répondait inlassablement au téléphone "Laissez vos coordonnées, il vous rappellera" des mois ont passés et toujours rien, pour moi c'était acquis, je me suis dit c'est mon homme, j'avais trouvé un artiste qui ne court pas après sa notoriété. J'ai donc fait le siège de son atelier à Paris et alors qu'il sortait pour se rendre chez un bouquiniste, je me suis présenté en lui emboîtant le pas, j'ai réussi à lui esquisser mon idée d'interview. J'avais bien appris ma leçon auprès d'un de ses amis intimes Mill Reinberg que j'avais contacté auparavant pour arriver à lui, il me fallait glisser dans la conversation Talleyrand ou Louise Michel et enfin lui parler des chats et de la protection animale. On m'avait prévenu qu'il était d'un abord difficile et qu'il n'aimait pas perdre son temps mais j'avais là quelques clefs. Nous tombèrent d'accord sur le principe d'une conversation enregistrée sans tabous ni exclusives mais avec mélange des genres et sans ordre établi. Il se réservait tout de même le droit au silence ce qu'il fit peu somme toute. Souvent même il partait bien au delà de la question. Tout se passa très bien dans l'ensemble et j'ai pu avoir mon interview qui fut primée, j'ai adoré passer du temps avec cet artiste, il m'a marqué profondément pour longtemps.
SAM FLORES
Etudiant en journalisme, PARIS.
Interview réalisée en mai 1986.
SF : Si vous deviez vous présenter vous diriez quoi ?
JIHEL : Je crois ne pas être présentable dans le sens où vous l'entendez, donc pas grand-chose, sinon que j'ai dû rater plein de vies ailleurs, ici et maintenant et ça m'embête vraiment, il faudrait une seconde vie pour se dédouaner de la première.
SF : Ce n'est pas vraiment une réponse, ça commence mal
JIHEL : C'est la mienne, j'ai toujours l'impression qu'il y a quelque chose de plus beau ailleurs.
SF : Mais encore ?
JIHEL : L'espace et le temps me poussent au changement, toujours, j'ai besoin dans ma création de me sentir étranger au lieu dans lequel je me trouve, alors seulement je deviens un passeur d'images, pas toujours les miennes d'ailleurs, comme un voleur de temps à qui il manquera toujours une heure pour terminer sa phrase. <
SF : Je vais donc me contenter de cela même si je reste sur ma faim, la mort vous obsède donc ?
JIHEL : Je ne parlais pas vraiment de la mort mais oui et non, elle est dans le coeur de la vie, de ma vie, de mon parcours artistique, elle m'aide donc à vivre, elle m'accompagne, un temps, jusqu'au moment où...
SF : Revenons au dessin, pourquoi avoir choisi le dessin satirique et la politique ?
JIHEL : La politique s'est imposée à moi tout jeune, le dessin aussi d'ailleurs alors j'ai mixé les deux et je suis devenu par la suite dessinateur politique ou de presse comme on dit, puis caricaturiste, c'était une porte ouverte sur les excés et je suis excessif en tout, c'est une force mais aussi une faiblesse.
SF : En quoi est-ce une faiblesse ?
JIHEL : J'ai toujours créé sur des montées d'adrénalines face aux injustices de la vie et me suis refusé à m'autocensurer une heure ou un jour après, la première mouture était pour moi la plus juste donc la bonne, rarement appréciée par le demandeur, refusée, elle était donc autoéditée en fanzines ou en cartes postales au sein de ma propre maison d'édition avec souvent un procès à la clef.
SF : Vous avez eu beaucoup de procès ?
JIHEL : Des dizaines, il y a moins de risques avec Talleyrand et Fouché qu'avec Pasqua ou Médecin.
RIRES.
SF : On dit que vous avez un énorme talent et qu'on tarde à vous en rendre justice
JIHEL : Je ne sais pas si j'ai du talent mais ON est un con, vous pourrez lui dire quand vous le croiserez, je ne cherche aucune reconnaissance, je travaille d'une manière quasi névrotique, une forme d'intensité émotionnelle qui me fait mal mais qui me donne l'occasion de mettre en œuvre ce que je sais faire sans m'occuper de plaire et encore moins de flatter, très peu pour moi les médailles, rétrospectives et autres fadaises.
SF : Névrotique, est-ce à dire que vous créez dans un état second ?
JIHEL : Un peu, j'ai cette propension à puiser au fond de moi ce masque de l'histoire d'un autre, celui que je vais exécuter, c'est lourd de conséquences une exécution vous savez, et puis je cherche toujours à construire un élan dans l'angoisse d'une nuit avancée, ça me permet un confort d'évidence sans me remettre en permanence en question.
SF : Vous dites que vous avez dessiné très jeune, quel âge ?
JIHEL : Une dizaine d'années, certainement moins, j'ai le souvenir très précis d'un livre d'histoire sur la Révolution Française de 1789 sur lequel je copiais des gravures et je m'amusais à mettre en situation des personnages comme Napoléon, Talleyrand, Robespierre, Danton etc, une fois dessinés, je les découpais pour les coller sur un carton fort, ils étaient mes soldats de plomb, ils me permettaient de revisiter l'histoire à ma manière et je peux dire que les cent jours ou mon congrès de Vienne feraient pâlir tout historien digne de ce nom. J'ai toujours ce livre dans ma bibliothèque. Je n'ai fait que prolonger mon enfance en devenant dessineux.
SF : Pourtant vous n'aviez pas cette formation de dessinateur de presse en sortant des Beaux-arts ?
JIHEL : Le dessin c'est le dessin, quand on a les bases et de l'imagination tout devient possible, tiens un slogan détourné de 68, mon père voulait que je sois architecte, ma mère dessinateur de mode, j'ai fini décorateur sur porcelaine à Limoges, pas vraiment enivrant mais bon j'étais dans la place, fallait trouver l'occasion de partir, c'est arrivé très vite.
SF : Dans votre œuvre, il y a aussi cette passion pour l'histoire de France ?
JIHEL : Œuvre est un bien grand mot pour le petit gribouilleur que je suis, néanmoins c'est vrai que l'histoire de France m'habite et ce depuis tout jeune, je viens de vous en parler, et sans renier mes dessins politiques, les créations historiques sont pour moi une bouffée d'air pur et un enrichissement majeur même si j'ai très souvent flirté avec la licence, et celle-là n'est pas poétique, elle est artistique. Ces créations m'ont permis d'avoir du recul sur l'existence et de nouer des liens avec des personnages qui n'avaient aucune chance de se rencontrer dans la vraie vie, je me suis reposé avec eux.
SF : Vous parlez là d'uchronie je suppose, comment vous est venue cette idée ?
JIHEL : Très simplement, il me semblait évident de faire parler des personnalités disparues pour indiquer aux politiques du temps présent le chemin à suivre, j'ai commencé dans mes dessins d'actualité à les mettre dans un nuage, puis en pied d'égalité, ça fonctionnait bien dans ma tête avec Jaurès, Talleyrand et Louise Michel, alors j'ai élargi mon champ d'investigation à de nombreux autres, Guillaume II, Cléo de Mérode, etc... Puis j'ai supprimé l'actualité de certaines séries.
SF : On a l'impression que vous vous êtes trompé d'époque ?
JIHEL : Je suis bien dans mon époque et ces dessins uchronistes sont une goutte d'eau dans la mer de mes créations sur l'actualité au jour le jour, combien sur Giscard, sur Mitterrand, des milliers pour des centaines sur Cléo.
SF : Dont acte, à présent quelques questions à brûle pourpoint pour se détendre façon questionnaire de Proust. Beatles ou Rolling Stones
JIHEL : Stones
SF : Votre chanteur Français préféré ?
JIHEL : Léo Ferré
SF : Vous connaissiez Ferré ?
JIHEL : J'ai travaillé avec lui, pour lui.
SF : Votre actrice préférée ?
JIHEL : Sandrine Bonnaire
SF : Acteur ?
JIHEL : Michel Simon
SF : Réalisateur ?
JIHEL : Pialat
SF : Votre livre préféré ?
JIHEL : Ce que parler veut dire de Bourdieu
SF : Un philosophe, un seul ?
JIHEL : Aie, le piège, c'est hyper réducteur, allez Gaston Bachelard.
SF : Un peintre ?
JIHEL : Magritte
SF : Votre animal préféré ?
JIHEL : Le chat
SF : Votre couleur préférée ?
JIHEL : Chez le chat ? RIRES, je plaisante citoyen, le noir de toute évidence.
SF : A ce propos on vous dit anarchiste, c'est quoi pour vous ?
JIHEL : Ni dieu, ni maître, je crois que c'est bien résumé.
SF : Vous n'êtes pas croyant ?
JIHEL : Je répète, ni dieu ni maître
SF : Votre chanteuse Française préférée ?
JIHEL : Catherine Ribeiro
SF : A son sujet au printemps 68, Catherine Ribeiro a tenté de se suicider, vous étiez présent, on a dit...
JIHEL : On a dit beaucoup de choses sur tout et sur rien
SF : Pourtant ces nombreux dessins sur la chanteuse témoignent...
JIHEL : d'un profond respect pour sa démarche militante et libertaire, un point c'est tout.
SF : Vous ne voulez pas nous en dire plus ?
JIHEL : No comment, si tout de même....Ne pas parler de poésie en écrasant les fleurs sauvages.
SF : C'est un code ?
JIHEL : Si elle lit ça, elle comprendra.
SF : Mais c'est une chanson de Barbara ?
JIHEL : L'interprétation par Catherine est subliminale, écoutez-là, franchement c'est époustouflant.
SF : Vous avez fait plus de dessins sur elle que sur Ferré, ça ne vous parait pas étonnant ?
JIHEL : Non, pour l'homme que je suis, il fallait une égérie, nous sommes presque vingt ans après Mai 68 et vous pouvez remarquer qu'il y a longtemps que je n'ai plus rien fait sur elle.
SF : J'ai lu quelque part que Patricia Carli....
JIHEL : Ne lisez pas tout ce qui est écrit
SF : C'était juste pour surligner les antipodes entre ces deux chanteuses.
SF : Grand blanc, un mauvais regard bleu acier m'indique de ne pas insister.
SF : Votre chanson préférée ?
JIHEL : La mémoire et la mer
SF : Interprétée par...
JIHEL : C'est ignoble, bon Catherine Ribeiro mais bien sur Léo Ferré.
SF : Notre deal dans ce type de questionnaire, c'était une seule réponse, exception donc. Venons-en à Talleyrand, pourquoi ce personnage somme toute anodin vous a autant hanté ?
JIHEL : Anodin vous plaisantez j'espère, passionné par la Révolution Française et l'Empire cet homme est le pivot de toutes les intrigues, il ne pouvait que débrider mon imagination.
SF : De mauvaises rumeurs ont courues sur vous, drogue, squatt, porno, etc...
JIHEL : Difficile de se concentrer avec vous mais bon j'ai accepté de jouer. Les rumeurs sont faîtes pour courir, ne comptez pas sur moi pour les accompagner, je laisse dire, ça fait partie du taff, on cherche à me déstabiliser, je ne rentre pas dans ce jeu là.
SF : Vous voulez dire que rien n'est vrai ?
JIHEL : Je vous laisse à vos appréciations et puis ça occupe le chaland.
SF : Comment déterminez-vous votre carrière artistique ?
JIHEL : Je la vis, je ne cherche pas la compétition, la seule angoisse la page blanche, si, si ça existe, comme une angoisse de ne plus avoir rien à dire, c'est terrifiant, ça peut durer des heures et puis le soir venant, préambule à la nuit, tout revient, ça se précipite, la folie à l'état brut.
SF : Votre moteur sur le dessin d'actualité c'est quoi ?
JIHEL : En politique il y a dans la chute, son mouvement, toujours quelque chose qui relève de la tragédie, c'est là que j'interviens.
SF : Vous avez vécu dans beaucoup de villes, de pays, pourquoi cette instabilité ?
JIHEL : Ma réponse pourrait être ce que j'ai répondu à vos premières questions, j'ai gardé ce goût de l'établi de l'après 68.
SF : Pourquoi des villes comme Asnières ou le Vésinet, aussi différentes ?
JIHEL : Pourquoi pas, le ras le bol de Paris, le calme, le changement, tout ça et surtout la fuite en avant.
SF : Vous qui êtes collectionneur avec une bibliothèque énorme et tout ce matériel pour travailler, ce n'est pas difficile ces déménagements incessants ?
JIHEL : J'ai toujours un point d'ancrage définitif avec des milliers de souvenirs et je tourne autour, question d'organisation. Pour le travail, du papier, des crayons et la quête d'un bon imprimeur dans les parages, c'est tout ce qu'il me faut.
SF : Des milliers de souvenirs c'est quoi concrètement ?
JIHEL : Chaque livre est un souvenir, ce n'est pas une bibliothèque de parade, chaque livre est lu et relu.
SF : Siné, Pratt, Bedos, Higelin etc... Quels sont vos liens ?
JIHEL : Distendus mais réels.
SF : Vos réponses sont très souvent évasives, laconiques, pourquoi ?
JIHEL : On arrête quand vous voulez.
SF : Votre radio préférée ?
JIHEL : France culture
SF : Votre journal au quotidien ?
JIHEL : Libé
SF : Votre passion ?
JIHEL : Une passion, c'est réducteur, quelle idée, mais j'en ai plein
SF : Oui, lesquelles alors ?
JIHEL : Ma compagne, les livres, l'eau froide, la nuit, la pluie, le naturisme, les animaux, c'est sans fin.
SF : Votre compagne, comment elle vit votre travail ?
JIHEL : Bien, elle s'implique, elle me connaît par cœur, elle sait mes silences, mes colères et l'aube qui se prend encore pour la nuit, c'est une sainte.
SF : Si on devait tirer une conclusion de cette interview, vous diriez quoi ?
JIHEL : Que ce n'était pas vraiment une interview mais un interrogatoire, mais bon vous m'êtes sympathique, j'ai joué le jeu même un peu plus je crois et très peu menti, par contre je suis surpris du peu de question sur la philo et mes engagements profonds au quotidien, ce sera pour une autre fois, salut et fraternité à vous.
La période rouge de JIHEL
En consultant ce site au demeurant très bien agencé, je suis abasourdi par la production artistique de cet artiste que l'on dit souvent éclectique, pour ma part je ne pense pas qu'il le soit vraiment car plus de 98 % de sa production est historique ou politique, j'avance ce chiffre à dessein car j'ai consulté plusieurs collections généralistes de ce dessinateur dont les plus complètes se trouvent en Suisse, en Italie aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. J'ai consulté également les collections du musée Jaurès.
Bien sur quelques pin-up, de l'érotisme, un peu de pornographie, quelques hommages à des artistes amis admirés ou morts et quelques cartes officielles ou pirates d'expositions émaillent le parcours de JIHEL ce qui finalement n'est pas pour me déplaire outre mesure donnant encore plus de sens à ses messages satiriques. Et puis citez-moi un artiste qui n'a pas dévié son crayon, son pinceau ?
Dans les collections que j'ai consulté et après entretiens avec les dits collectionneurs, quelques points restent obscurs comme une impression bizarre de deux trajectoires, une avec des dessins noir et blanc regroupant de très nombreuses séries qu'il serait fastidieux d'énumérer dont la plus célèbre est tout de même "Ciment de l'histoire" qui regrouperait 1500 numéros ,et une autre démarche avec des dessins hauts en couleurs que des spécialistes appellent "La période rouge" sans vraiment donner une signification à ce terme si ce n'est ce fond rouge qui revient sans cesse. Je pense qu'il ne faut pas tenir compte des propos amers d'un président de club qui avançait dans une manchette que cette période rouge n'était finalement que la période communiste de l'auteur, ce propos ne résiste pas à l'étude approfondie de la démarche de l'artiste. Certains dessins sont à la limite de l'anticommunisme, laissons donc divaguer les chercheurs de réponse à tout prix.
Les dessins noir et blanc dont j'étais un fervent amateur et ce depuis les années 70 ont couverts en gros quatre décennies, m'étant limité à certains thèmes j'ai des séries largement incomplètes, je ne connaissais pas les fumeux dessins pour la plupart historiques de la période rouge, je suis passé à côté sans le savoir, surprenant et déroutant. Ces cartes souvent sérigraphiées que l'on voit apparaître depuis une dizaine d'années me permettent de compléter mes collections thématiques de cet artiste. Fabien ZELLER dans un de ses livres d'entretiens avec JIHEL donne une piste à mes interrogations en disant que ce dernier dessinait beaucoup mais ne voulait pas vendre et donc gardait énormément de choses à l'état d'épure. Est-ce donc ces dessins qui apparaîtraient à présent alors que l'artiste a quitté le monde de la satire politique et la France ?
Mill REINBERG dans son livre publié aux éditions "Alternatives noires" en 1986 et intitulé "Mes années PARIS" dit la même chose en page 40, je cite : "Il y avait une soirée animée par cette belle nuit de septembre, le vin était bon, la musique douce, de belles filles nous entouraient, un seul manquait à l'appel, toujours le même, se débattant avec le temps et son tamis, jonglant avec sa peinture, distillant ses encres de couleur d'où dominait le rouge comme si rien d'autre n'existait, un fou bourré d'idées et de talent qui peignait, dessinait pour ne vendre que la survie, gardant ses petits tirages intacts comme une poire pour la soif pour ne pas user les amateurs comme il se plaisait à le répéter..." Cet artiste dont parle REINBERG c'est bien entendu JIHEL.
Il semblerait qu'un fond d'atelier ait vu le jour et soit mis en vente dans le sud de la France, lieu ou a séjourné longuement et à plusieurs reprises JIHEL.
Pour conclure je pense que JIHEL qui s'est refusé toute sa vie à avoir un éditeur a publié parallèlement deux diffusions de dessins, une essentiellement centrée sur le territoire Français pour ses dessins satiriques en noir et blanc et ce par abonnement mensuel et une autre via les Etats Unis ou se vendait la période rouge dans le monde entier au vu des nombreux collectionneurs étrangers disposant de ces cartes dans leurs collections. Je reste convaincu qu'à part un petit nombre de privilégiés ces deux types de production n'interféraient pas entre elles, car beaucoup d'amateurs consultés n'avaient connaissance que de l'une ou de l'autre. J'ai donc collectionné pendant vingt ans les nombreuses séries en noir et blanc de cet artiste puis lassé je me suis arrêté et voilà que je renoue au jeu de la collection devant cette agression de couleurs avec des tons mordorés qui rappelle les dessins anciens, ces demi-ombres qui entourent les personnages donnent un effet majeur de profondeur qui enlève le dessin et le pousse vers l'excellence, c'est la vraie raison du succès de cette période rouge.
Malheureusement les prix ne sont plus les mêmes et ne pouvant tout acheter je me suis limité à la Commune et à Louise Michel, la Vierge rouge, la bâtarde devenue directrice d'une école pour les pauvres sur la butte Montmartre, activiste anarchiste pendant la Commune de Paris et déportée en Nouvelle Calédonie.
J'ai l'impression à chaque dessin acheté de me retrouver devant un livre ouvert que j'ai particulièrement aimé intitulé "Georges et Louise" de Michel RAGON (1) et de retrouver maints personnages, Clemenceau bien sûr, Théophile Ferré évidemment, mais aussi Gambetta, Vallès, Rochefort et bien d'autres acteurs de cette époque, mais aussi des personnages hors du temps comme Voltaire, Talleyrand ou Robespierre uchronisés savamment par l'auteur.
Manuel Di Rosa (Conservateur du fond anarchiste du Bas Languedoc)
(1)Publié chez Albin Michel.
JIHEL ou l'alphabet surréaliste
A comme Anarchiste, inutile de s'appesantir là-dessus, ses dessins et ses écrits en témoignent largement, ou encore Arménie, un combat de tous les instants pour la reconnaissance du génocide Arménien.
B comme Bibliophile, passionné de beaux et rares livres, il constitua au fil des années une bibliothèque de premier ordre ou il puisa notre enchantement.
C comme Cléo de Mérode, sa muse, son amour, il va la triturer au point d'en devenir son amant de papier au détriment d'un Léopold II ou autres grands de cette époque malmenés.
D comme Déconstruction ou Dubuffet, mais l'un ne va pas sans l'autre, adepte de l'un et complice-ami de l'autre.
E comme Egrégore son chat mythique noir qui intervient à longueur de dessins et ce depuis Mai 68, ce mot est puisé dans la symbolique maçonnique.
F comme Franc maçonnerie ou Ferré (Léo) là aussi l'un ne va pas sans l'autre même s'il dut subir à ce sujet un procès intenté par la dernière famille de Léo qui cherche à gommer le passé du poète (La famille attaqua également à la même période les éditions LATTES et le Nouvel Observateur) Tout laisse à penser que JIHEL est franc maçon.
G comme gauche, il dira et répétera toujours à ce sujet "Je suis fidèle à mes racines et à deux trois principes de gauche, pas plus...)
H comme humour souvent vache, décalé et acéré mais toujours là, même si très souvent incompris dans une première lecture (à lire entre les lignes.)
I comme illustrateur, fou et prolifique, passionné au point d'oublier tout le reste. Il serait l'auteur de dizaine de milliers de dessins tant dans la presse, illustration de livres ou cartes postales.
J comme Jihel son pseudo fétiche qu'il manipulera au gré des époques, l'abandonnant de nombreuses années puis le reprenant, Joconde ou Jaurès au choix, l'un va avec les autres mais l'une (Mona Lisa) va sans l'autre (Jaurès) mais les deux émaillent la production de l'artiste sur la durée.
K comme Kaiser, Guillaume II, sa tête de Turc, il s'enticha de ce personnage à un point qui n'a d'équivalent que les moustaches interminables de l'Empereur.
L comme libertaire qu'il a été et qu'il sera toute sa vie durant sans se renier un instant ce qui au demeurant est rare, il reprochera toujours à ceux qui se sont reniés de l'avoir fait comme pour surligner sa fidélité à son idéal de vie.
M comme Mai 68 sa chère Commune manquée, "utopie avortée" il dira dans une conférence en révolutionnaire réaliste.
N comme noir, il répétera "Cette couleur n'est pas négative, en fait, elle contient toutes les couleurs de ma palette."
O comme objecteur de conscience qu'il fut pour raisons politiques.
P comme philosophie ou poète, sa manière à lui d'élever son esprit au-dessus de sa table de travail jusqu'au moment où ça retombait à plat sur ses dessins (Voir la série: La carte philosophique, 100 numéros.)
Q comme question, en perpétuelle recherche, son questionnement devient inquiétant voir policier alors qu'il n'est que fruit de recherche, énervant tout de même quand on ne le connait pas.
R comme romantisme, le premier et le dernier anarchiste romantique au sens avorté du mot.
S comme sémantique, il dira: "Les mots sont mon univers, ils se découvrent à moi pour me faire partager une insolence de fait."
T comme Talleyrand, pour avoir croqué jusqu'à la lie le Prince des diplomates, ce dessinateur mérite le livre des records (Même s'il n'aime pas tant pis)
U comme uchroniste dont il devient naturellement le chef de file (Mouvement pictural créé au début des années 80) il claquera la porte 3 ans après en poursuivant seul ses délires d'uchronie.
V comme Voltaire, pour la petite histoire un buste du célèbre penseur l'accompagnait toujours lors d'expositions ou signatures, mais un jour dans une librairie Parisienne lors d'une dédicace on lui déroba ce petit bronze. Deux ans après il le retrouva au marché aux puces de Clignancourt, il avait gravé lui-même sous la terrasse des symboles maçonniques, il le racheta.
W comme WILDE Oscar cet écrivain Anglais Franc-Maçon dont il admire le talent et surtout les citations.
X comme pornographie, la partie cachée de sa création, pendant sa période Italienne pour financer des mouvements d'extrême gauche, il s'adonna au dessin pornographique voir plus pour des revues éphémères.
Y comme Yeuse, cet arbre appelé également chêne vert dont il aime le toucher, piquant et rugueux, un peu comme lui en fait.
Z comme Zeller, le grand maître du Grand Orient de France de 1971 et 1972, ancien secrétaire de Trotsky et peintre de talent, il fut son ami et celui qui l'accueillit au cœur des événements de Mai 68.
Ir OLDEWELT Philosophe (Amsterdam)
JIHEL
« Les femmes nous aiment pour nos défauts, si nous en avons suffisamment elles nous pardonneront même notre intelligence » C’est par cette citation d’Oscar Wilde qu’un jour de Mai 68, j’ai fait la connaissance de Jacques LARDIE qui allait devenir le JIHEL que nous connaissons, il me l’a envoyé en pleine figure alors que je contestais un slogan trop libertaire à mon goût sur les femmes dont il était l’auteur. J’ai gardé un exemplaire de cette affiche en y apposant au dos le nom de son auteur sans savoir que près de vingt ans plus tard, revenu dans mon pays, la Suède après mes études en France, j’allais incidemment recroiser la route de cet artiste rare à l’audience internationale.
Cet être intelligent, sensible et déchiré revenait frapper à ma porte avec ses créations dont j'ai ignoré l'existence pendant plus de vingt ans, passionné par "la petite histoire" de l'histoire de France et en particulier celle de la Révolution Française de 1789. Il m'a fallu reconstituer vingt ans d'oubli avec des séries fantastiques comme "Ciment de l'histoire" ou encore ses planches sérigraphiées ou il se fait passeur d'images. Il me faut réparer un oubli sur un pseudo très peu employé par l'artiste qui est : Anoir (A entouré dans un cercle suivi de noir) Plusieurs cartes en rapport avec Talleyrand comportent cette signature.
Je me suis laissé prendre au jeu surréaliste de ses délires historiques et j'ai commencé à aimer son personnage emblématique et répétitif qu'est TALLEYRAND par le biais truqué de son imagination sans limite ou l'on perçoit une exaltation fébrile mêlée d'anxiété.
Cet intellectuel aux dons multiples est un homme pressé, consumant sa vie privée et artistique tumultueuse avec une fièvre sans égale, en artiste pointu, il laissera au fur et à mesure de ses rencontres, des témoignages dessinés sur les personnalités qu'il croisera, tels au hasard, Siné, Topor, Effel, Coluche, Guy Bedos, Higelin, Lavilliers, Pratt, Patricia Carli, etc... C’est un travail vraiment à part et très instructif si on sait lire entre les lignes.
J'aimerai aussi dire que son engagement profond et actif limite activiste pour la protection animale et pour la reconnaissance du génocide Arménien fait de lui à mes yeux ce qu'on appelle un "Grand Monsieur".
Depuis ce mois de mai de l'an 68, nombreux sont nos amis, nos copains qui en s'installant dans la vie ont aussi installé leurs idées, les réduisant à la portion congrue, je veux donc ici même rendre hommage à cet enfant de 68 qui est resté le même, debout, l'anar aux poings serrés, ressassant encore et toujours ses sentiments libertaires, et puisqu'il faut terminer je citerai à mon tour Oscar Wilde "De nos jours tous les grands hommes ont leurs disciples et c'est toujours Judas qui rédige la biographie".
Peter DORSEY.
JIHEL, un artiste parmi les artistes.
Une très brève rencontre lors d'une exposition de groupe d'artistes à la Mutualité, mais une rencontre qui allait en appeler beaucoup d'autres, je vais suivre ce dessinateur sur tous les salons parisiens pendant une longue décennie tant je fus subjugué par ce créateur de la liberté, c'était la fin des années 70, j'étais jeune collectionneur de documents anciens et journaliste de métier, lui déjà confirmé dans son art au point que son stand grouillait d'amateurs et d'admirateurs, on pourrait dire des fans, tant l'hystérie quelquefois était présente, c'était l'époque de son vivant satirique, Giscard d'Estaing était Président de la République et Raymond Barre son premier ministre.
Je ne sais pas trop pourquoi je me suis aventuré vers le stand de ce créateur, certainement l'esprit de foule et un peu de curiosité, mais je ne le regrette pas tant cet artiste a su renouveler le genre satirique et caricatural avec des dessins extravagants et poétiques enjolivés de textes souvent tranchants comme des lames de rasoirs.
Après lui avoir acheté quelques créations anarchisantes et pacifistes, je lui glissais mon idée de faire un papier sur sa démarche originale, sa réponse fut très journalistique, je cite : "Encore un marronnier" Intimidé j'ai fait mine de comprendre mais j'ai seulement appris par la suite ce que voulait dire cette expression familière des rédactions de presse, il faut bien se rappeler qu'il fut journaliste lui-même très longtemps, c'est son côté touche à tout.
Éconduit, je reviens à la charge lors d'une exposition au quai d'Austerlitz, il prit alors le temps de m'expliquer qu'il n'aimait pas que l'on écrive sur lui et qu'il refusait presque systématiquement toutes les interviews. Je lui ai acheté ce jour-là des dessins sur Léo Ferré, François Béranger, Joan Baez et Catherine Ribeiro, ces fameuses cartes dites "Prestiges" travaillées à la main, à l'aquarelle et vernissées, de petites merveilles que les collectionneurs s'arrachaient, il fallait voir l'ouverture de son stand au début de l'expo, les amateurs se disputaient les nouveautés à petits tirages, c'était fou, on se serait cru à une séance de dédicaces d'une rock star. Il prenait un malin plaisir à distiller quelques dessins retenant dans sa manche souvent le meilleur, tout le monde le savait et attendait son bon plaisir. J'ai observé ce rituel sur beaucoup d'expositions, sa force résidait dans le fait qu'il savait à l'avance qu'il vendrait tout, il aurait pu en faire dix fois plus mais il savait se limiter à des tirages courts afin de créer l'attrait.
J'ai oublié de préciser que ma spécialité en tant que journaliste de presse est le cinéma et la chanson, mais je ne rechigne pas à couvrir des écrivains ou des peintres.
Jihel s'est entouré de toute une pléiade de chanteurs et comédiens qu'il croque à souhait, qui ne connait les multiples hommages à Brassens et Brel mais aussi Barbara, Lavilliers ou Renaud, on perçoit de suite entre ces artistes et lui, le créateur, une complicité d'idées, il faut dire que Jihel est un guetteur attentif qui traverse le monde de l'illustration en diagonale. En illustrant les chansons de Brassens, les films de Marilyn ou encore ceux de Godard il se donnait les moyens de ne pas épuiser le sujet.
Par contre il sera très agressif avec les Halliday, Delon, Sardou ou Barbelivien, limite odieux avec Mireille Mathieu mais attendrissant avec Moustaki ou Reggiani.
Il soufflera le chaud et le froid avec Brigitte Bardot n'oubliant pas ses engagements pour la protection animale mais se fera très critique sur ses idées d'extrême droite au point de se fâcher avec elle.
Il sera très ambigu avec sa sœur ainée de révolte Catherine Ribeiro, la seule certainement qui n'aura pas dans les multiples créations qui lui sont consacrées une seule caricature, il me dira seulement comme si c'était une évidence "C'est la perfection faite femme à tout point de vue, son visage ne le mérite pas" il faudrait creuser plus loin pour trouver la vraie réponse à ce que l'on cherche mais que l'on devine assez facilement, inutile d'insister il n'en dira pas plus. Un conseil à ceux qui pourraient interviewer Jihel dans le futur, n'insistez pas si vous n'avez pas de réponse à votre question, il pourrait se fermer définitivement.
J'ai donc suivi Jihel dans toutes ses expositions parisiennes et à l'époque c'était quatre à cinq fois par an, je l'ai même rencontré lors d'une expo huppée au George V et ce jour-là je lui ai acheté sa carte pirate consacrée à Marilyn Monroe, il faut dire qu'avec son principe de tirages très faible il fallait se dépêcher car il n'y en avait pas pour tout le monde. J'ai pris à chaque fois beaucoup de notes avec son accord de principe, notes de conversations avec ses amateurs ou clients ou plus simplement le fruit de mon questionnement. A chaque fin de salon on a fait le point sur ce qui pourrait être publié ou pas et j'ai occulté pour mon analyse à sa demande les conversations d'ordre privée soit familiales soit politiques. Il est vrai que son stand était une vraie tribune politique où fourmillaient de nombreuses idées, j'ai même été le témoin lors d'une exposition porte de Versailles d'une escarmouche courte mais violente avec des intégristes juifs, c'est vous dire.
Je peux affirmer dans cette article que les créations de Jihel sont des mélopées saccadées que l'on peut croire répétitives, que nenni, le texte est souvent là pour rappeler un terrain différent, textes obsessionnels, argotiques, lyriques, tout ce que vous voudrez mais au bout du compte d'une stupéfiante précision et qui font mouche.
Cet artiste-là a tout compris avant tout le monde, il donne à voir des situations, des positions de genre, c'est la rançon du succès car on attend la suite. Une caricature de personnage à la "Morchoisne" on en fait une, deux, allez trois, après ça devient lassant, alors que positionner Halliday dans une idée politique de Monaco à Gstaad en passant par Sarkozy ou Chirac c'est interminable sous la plume de Jihel.
Je ne suis pas certain qu'un artiste ait échappé à son crayon, les plus improbables sont dans son Panthéon au moins une fois, Caussimon, Mouloudji, Tachan, Cholon et des centaines d'autres, Lennon, Bowie, Piaf, Perret, Trenet etc... Certains auront plus de chance et se verront gratifier d'une série particulière, Sarah Bernhardt, Marilyn Monroe, Madonna, Jules Verne, Andy Warhol* ou encore Mounet-Sully.
Il fera intervenir dans sa série anarchiste "Pierre Noire" ses intimes, Escudéro, Paco Ibanez, Utgé Royo, Higelin, Lavilliers, Magny, Moustaki, Mouloudji, Victor Jara ou encore et toujours Catherine Ribeiro, ça n'a l'air de rien mais c'était pour eux un vrai privilège car cette série maintes fois exposée en France et à l'étranger délivre des vrais messages de révoltes. Il est néanmoins surprenant que Ferré n'ait pas eu droit à une planche mais je pense que ça s'explique par certains froids entre eux à plusieurs reprises et périodes et même s'il ne me l'a pas dit et ce malgré mon empressement.
Cette série fut créée dans une période d'éloignement entre eux, série entamée à Paris mais qui vit son prolongement à Turin puis New-York.
Ce que j'ai trouvé intéressant dans le fait de constituer une collection thématique de cet artiste c'est que rien n'est fermé, il s'est toujours réservé un droit de suite même et surtout vingt ans plus tard, vous pouvez partir d'un artiste, prenons par exemple Richepin et bien vous vous retrouvez avec Cléo de Mérode ou Louise Michel, vous êtes entrainé sur les pentes de la Commune de Paris ou du roi des Belges sans le vouloir vraiment, là réside une force exceptionnelle car nombre de collectionneurs dont l'auteur de ces lignes se sont ainsi fait prendre au piège en partant ainsi sur d'autres sujets, mais est-ce vraiment un piège, je ne le pense pas, plutôt un plaisir.
Voyons à présent un artiste qu'il adorait, au hasard tiens prenons Léo Ferré mais est-ce vraiment le hasard ? Des années 60-80 aux années 90-2000 la forme évolue, du vivant du chanteur la critique est présente et souvent pertinente, son absence de la révolte de 68, Pépée, Madeleine, Marie, Barbelivien, Edern Hallier etc... Léo acceptera tout ou presque tout de ce familier du boulevard Pershing, de l'ilot Du Guesclin ou de Perdrigal, Il ne le suivra pas en Toscane, le lien c'était Madeleine. La fracture s'opère à sa mort en 1993, Ferré intervient alors comme un grand sage qui délivre des anathèmes à ceux encore vivants, donne des brevets de révolte à Ribeiro, Mama Béa ou Francesca Solleville. Jihel opérera souvent comme cela pour les artistes dont il a été proche, il le fera avec Dubuffet ou Jean Effel. Il me dira très simplement "C'est normal, ils ne peuvent plus se défendre, je souhaite seulement qu'on en fasse autant avec moi."
Hédoniste et altruiste à la fois Jihel est animé par la passion de son travail, une passion qui confine à la folie, d'un fort capital culturel, d'une mémoire phénoménale et d'une grande personnalité cet ancien soixante-huitard qui fut un temps membre de la gauche prolétarienne est un intellectuel qui milite par le savoir, il me dira un jour en guise de conclusion d'un de nos entretiens "Je cherche toujours un équilibre dans la confrontation." En lui posant la question qui fâche, mais pourquoi l'anarchie ? J'ai eu droit à cette réponse inamicale "Si c'est votre ordre qui règne, alors oui, je suis anarchiste." Cette réponse m'a permis d'en poser une autre qui me trottait depuis longtemps, Pourquoi cette folie créatrice ? Il ne se laissa pas prier pour répondre à cette question qui revient souvent dans la bouche de ses collectionneurs "Plus jeune je n'avais qu'un leitmotiv, occuper le terrain des idées, c'était devenu une obsession, mes dessins étaient devenus des pamphlets, des brûlots, mais le terrain était miné, je me suis calmé. Là s'est arrêté cette conversation, dommage, il me manque des réponses, mais j'ai bien compris que sa folie créatrice était un acte militant et pour les pisse-vinaigre tant mieux s'il pouvait en vivre.
Pour ma part cet artiste offre à qui veut bien l'étudier plusieurs facettes de personnalité, un peu comme sa carrière artistique ou sa vie perso, double ou triple. Un accès difficile et une raideur qui ferme énormément de portes, certainement voulue et maitrisée pour éloigner les intrus, prétexte à ce temps qui lui manque, un cloisonnement de ses amis qu'il ne confondra jamais avec ses connaissances, un regard insondable, froid et direct dans lequel parfois on perçoit la passion ou l'ennui, mais avec le temps on s'aperçoit qu'il y a des brèches énormes sous la carapace, un émotif amoureux fou de la nature, des animaux, des insectes, des fleurs sauvages et de la poésie, un pacifiste révolté jusqu'à la démesure, je ne suis pas certain que cet homme soit heureux, trop d'intelligence confine au malheur.
* Au sujet de cette longue série Warholienne il faut dire que Jihel a emprunté le meilleur à l'artiste du pop-art, cette série baptisée "WARHOL-ART" est doublement intéressante car elle nous entraîne dans les arcanes d'artistes oubliés en y mêlant des artistes de notre temps. A la façon d'un Martial RAYSSE il faut vraiment s'immerger dans cette période POP de Jihel pour faire corps avec ses couleurs flamboyantes. Peuvent se côtoyer Réjane et Mick Jagger, David Bowie et Michel Simon ou encore Camus et Foucault, quand je dis se côtoyer c'est dans la série car chaque dessin est dédié à un artiste souvent avec deux ou trois portraits Warholisés. Vers ce que je pense être le milieu de la série Jihel s'est essayé aux politiques sur quelques numéros. Plusieurs artistes auront droit à plusieurs planches, le tirage est très souvent de 30 exemplaires numérotés ce qui en fait des raretés.
Henri TACHAN, non pas lui, l'autre, celui que l'on ne connait pas ou que l'on ne veut plus connaitre, enfin débrouillez-vous, je reste debout et vivant, le métier de journaliste m'a quitté, c'est de la daube inexpugnable comme aurait pu dire le grand JIHEL.
Né Jacques Camille LARDIE en 1947 à Périgueux.
Ancien élève des arts décoratifs.
Diplômé des Beaux-arts.
Il sera décorateur sur porcelaine et émaux à Limoges, créateur d'affiches en Mai 68, journaliste d'investigation à Nice, mail-artiste à Bruxelles et Milan, photographe à Turin, dessinateur de presse à Paris, sérigraphe lithographe à Barcelone, libraire éditeur à Beaucaire (Gard), sculpteur aux Etats Unis, auto-éditeur souvent et partout, créateur de cartes postales d'art tout le temps.
Très engagé politiquement, il sera de tous les combats qui émaillèrent la société des années 60-70, Mai 68, le Larzac, les insoumis, le féminisme, les Lip, le Joint Français, les sans-papiers, les squats d'artistes, se radicalisant au fur et à mesure au point d'épouser les idées libertaires pacifistes individualistes.
Créateur cartophile reconnu unanimement, il illustrera des livres, s'adonnera à la lithographie et à la sérigraphie, travaillera sur tous les supports possibles, s'évadera sur de nombreux ex-libris dont plusieurs sur Talleyrand commandés par des collectionneurs dont Steeve Pokeinstein, Kurt Hayek, Mill Reinberg ou Théodor Wittgenstein.
Il signera ses planches de nombreux pseudos dont le plus célèbre est Jihel.
Il se considérera toujours comme un voleur d'images et de mots estimant que tout a été dit ou fait.
Passionné d'histoire, il en retiendra deux faits saillants, la Révolution Française de 1789 et la Commune de Paris de 1871, il en retirera deux personnages emblématiques : Talleyrand et Louise Michel qui vont l'accompagner pendant des décennies.
Même si tout oppose ces deux personnages, il existe un lien plus fort que tout : Ils étaient tous deux francs-maçons.
Il émaillera ses dessins pendant plus de quarante ans d'une multitude de symboles (Scatologiques, maçonniques, animaliers etc...).
Il mélangera dans son délire fou de dessinateur les époques au gré de ses inspirations nocturnes dans une fresque quasi-surréaliste. Pour exemple, il est plus que surprenant de voir discourir le maire de Nice Jacques Médecin avec Talleyrand qui lui même disserte avec Guillaume II et Gambetta sur l'assassinat du Duc d'Enghien et sur le Congrès de Vienne. Cette manière satirique de mélanger les époques et les personnages à ce point n'a jamais existé dans l'histoire de la caricature et donne à l'artiste cette personnalité bien à part qui le rend inclassable, ce dont il se revendique, lui qui refuse et a refusé tout hommage ou décoration.
De très nombreuses revues ou livres font références à son œuvre picturale, s'il fallait en retenir un, ce serait le tome III de Fabien ZELLER intitulé "Ciment de l'histoire, série de dessins de l'artiste Jihel, le cœur d'une aventure surréaliste" édition du pavé mosaïque paru en Décembre 1983, tirage limité et numéroté en 800 exemplaires, 241 pages, un dessin par page avec tentative d'explication de l'auteur qui se livre là à des circonvolutions dignes d'un trapéziste de haut vol, Jihel se refusant à intervenir dans l'explication de certains de ses dessins-énigmes. Ce livre est intéressant car l'auteur fait intervenir un grand nombre des amis du dessinateur tels Benny Lévy, Léo Ferré, Guy Bedos, Jean Roger Caussimon, François Maspéro, Louis Lippens, Serge July, Léo Campion, Jean Paul Dollé, Jacques Higelin, Joelle et Gérard Neudin, André Fildier, Oziouls, Pierre Desproges, Gébé, Niki de Saint Phalle etc....
Cet auteur Fabien Zeller a édité cinq livres sur Jihel et son parcours sinueux dans le monde de l'art, dont un livre d'entretiens.
Le mail-art
Pionnier du renouveau de l'art postal ou mail-art, il dessine ses premières enveloppes libertaires à la fin des années 60 alors que cet art est largement en sommeil, il revendiquera cet engagement hérité du mouvement futuriste FLUXUS avec pour idée maitresse que tout peut être art.
De nombreuses enveloppes mettent en scène Talleyrand entre les années 75 et 2000 pour une correspondance entre artistes essentiellement
Musées
Des planches ou dessins avec la représentation du Prince figurent dans les musées suivants:
Musée Jaurès à Castres
Fondation Jean Jaurès
Musée du Grand Orient de France à Paris
Musée de la ville de Nouméa - Nouvelle Calédonie
Musée Gambetta à Cahors
Expositions
D'une intransigeance sans égal, il ne s'exposera que dans des lieux liés à ses idées, il refusera les contraintes, les assurances et le flicage de ses expos, voici quelques endroits ou Talleyrand fut exposé :
1972 - librairie le trait noir Lyon quartier de la Duchère,
1974 et 1981 - Centre de culture libertaire ALMADA au Portugal face à Lisbonne,
1976 - Nice, exposition sur la Commune de Paris avec édition de planches sur place en procédé sérigraphique,
1977 - New-York, exposition de la collection Pokeinstein intitulée "Sur les traces de Talleyrand",
1994 - Londres, Août Septembre, exposition "Ciment de l'histoire" Royal Horticultural Society's Hall, Westminster
Sur Wikipédia, une page est consacrée à la série Ciment de l’Histoire voir : CIMENT DE L'HISTOIRE
1994 - Paris, des dessins de Talleyrand figureront à l'Assemblée Nationale lors de son exposition en Septembre octobre sous la présidence de Philippe Seguin - Jihel ne sera pas présent au vernissage,
1995 - New-York exposition Blackout Books,
2008 - Turin, octobre novembre, exposition intitulée "Talleyrand s'invite à l'expo",
2010 - Turin, exposition intitulée " Les tourments de l'Empire, Napoléon et Talleyrand",
Les séries de cartes postales en rapport avec Talleyrand.
Ciment de l'histoire
Talleyrand et le Kaiser
Collection-Collectionneurs
Images empruntées pour sourire
Nice Flamboyant
Nice surréaliste
La griffe Niçoise
Bulles de Nice
Les ambiguïtés surréalistes de l'histoire
Fenêtres d'artistes
Rencontres imaginaires
Limoges-Limousinage
Pierre polie à Saint Martial - Série sur Limoges
Les métaux à l'orient éternel d'Angers
La vie tourmentée des grands maîtres
Les grands maîtres
Allégorie sociale
Nos absintheurs
Les personnalités et l'absinthe
Une dinde chez les frères - sur Catherine Talleyrand
Les princes du royal secret
Les trois points Pau
Albi de la voute étoilée - 2 cartes sur Talleyrand sur les 34 éditées
Remerciements à M. Steeve Pokeinstein, auteur de cette biographie de Jihel.
Siné et Jihel
Siné regarde Jihel.
Lardie, Jihel, Jaro, Rana, je m'étonne toujours du nombre de signatures de cet artiste singulier, enfin pluriel...Mais pour être honnête, je m'en contrefiche comme dirait le charpentier, ce qui m'intéresse en lui c'est son anarchie si particulière qu'il m'arrive de me demander si je le suis vraiment. Les anars ça court pas les rues, alors quand on en trouve un on ne le lâche pas.
Jihel tire sur tout ce qui bouge, la gauche, la droite, les fachos, les curés, les flics, mais aussi ses amis, un bon conseil ne soyez pas ami avec lui, il pourrait vous en coûter, car il possède la violence de l'intelligence et vous n'en sortirez pas indemne.
Notre rencontre est si lointaine que je ne sais pas la fixer, une expo, une fête, un ami commun ? Mais vraiment je ne regrette pas ce jour là, trop de mes congénères sont décevants, pas lui.
Ah si, oui, une chose me fait chier chez lui, non deux, son Talleyrand, traître parmi les traîtres et sa maçonnerie pas franche du tout, mais on ne peut être parfait à cent pour cent, 98 pour cent, c'est déjà bien.
On ne dessine pas pour les mauviettes, alors bien sur les procès...Lui aussi accusé d'antisémitisme par un député socialo obscur, un comble, inévitablement ça crée des liens.
Vous vous demandez pourquoi alors il n'y a pas eu une collaboration plus étroite au niveau de la presse entre nous ? Cette question me fut souvent posée, je pense que c'est à lui qu'il faut le demander, après refus sur refus, j'ai cessé de l'importuner, sa liberté n'avait pas de prix. Mais tout de même, nous avons fait des dessins en commun, le Portugal, Le Pen, Sarko, Hollande, l'anarchie, les chats, etc...Il manipulait si bien ses montages que je lui ai laissé carte blanche, pour la bonne cause.
Le temps fera le tri, et ils ne seront pas nombreux les artistes libres de notre époque, il en est un.
Mort aux cons et ni dieu ni maître.
Siné.